TANTRA, UNE VOIE D'INTEGRATION

 

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                     ARTICLE ET INTERVIEW PAR CHRISTINE GRENARD,

            FONDATRICE DE LA REVUE « L’EVEILLEUR »  (PARU EN 1992)

Vendredi, veille de Pâques, 10h30  Au courrier il y a un abonnement au journal accompagné d'une longue lettre : "Je suis animateur de stages de rebirth, massage et méditation, et je viens de terminer une formation d'enseignant en Tantra avec Margo Anand, l’auteur du livre "Le chemin de l'Extase". Je serais heureux de publier un article dans votre journal et je suis disponible pour une interview. A tout hasard, je vous informe que je vais animer un stage de Tantra près de chez vous, ce week-end; cela pourrait être intéressant de réaliser un entretien à chaud..."

11h. J'ai appelé au numéro indiqué et j'ai parlé avec Joël Samarpan, l'auteur de cette lettre. Tranquillement. Le ton est calme et pondéré; Joël prend son temps pour laisser venir des mots qui ne font que ponctuer une communication plus intuitive. Même au téléphone je sens qu'il écoute en lui-même avant de parler. Je sens très vite que l'entretien est important, que ce qui se passe me concerne très fort, moi et le journal. Je suis décidée d'emblée à le rencontrer, c'est un trop bel "hasard" qu'il soit demain à moins de 20 km de chez moi. D'autant que depuis deux jours, j'ai travaillé en moi au niveau de l'homme intérieur et de l'âme sœur, avec mes techniques habituelles. Le Tantra semble être une réponse directe... Et quand il m'invite à participer au stage, pour mieux vivre l'expérience, et parce qu'il manque une femme pour équilibrer le groupe, je ne suis pas surprise et je ne doute pas un instant que ce sont mes niveaux-source qui m'invitent.

Je suis cependant prudente, et presque réticente; je ne tiens pas à m'impliquer dans des techniques que je ne ressente pas bien. Rebirth, Tantra, qu'est-ce que celà veut vraiment dire? Je crains des démonstrations exagérées, du psychodrame, des débordements émotionnels, un mélange obligé avec des énergies différentes avec lesquelles je n'aurais pas d'affinité, et qui me blesseraient. Et franchement, un travail de groupe sur l'énergie sexuelle, avec qui, comment, etc...je n'envisage ces choses-là qu'en privé, dans le cadre d'une relation avec un partenaire que j'aurais choisi ou du moins agréé...Mes jeux d'exploration d'une sexualité libérée, ou pseudo-libérée, sont très loin et ne m'attirent plus depuis longtemps. Je crois à une sexualité maîtrisée, aboutie, choisie, libérée mais mystique, qui se vit comme un sacrement, une communion avec un autre soi-même. Une sexualité qui soit le véhicule de l'amour et de la conscience. Et non une dépense irréfléchie des réserves, un gaspillage de l'énergie, une poursuite d'un plaisir limité au corps et sans but, avec des partenaires méconnus.

Ce que dit Joël, ce que je sais du Tantra vont bien dans ce sens pourtant, alors pourquoi pas, et puis je suis libre à chaque instant d'arrêter l'expérience si elle me déplaît. De toute façon depuis le début du coup de fil et même avant d'avoir appelé, je sais que j'irai. Comme par hasard je suis complètement disponible pour ce week-end, chose exceptionnelle, et je me souviens d'avoir caressé en moi le désir de profiter de ce temps pour passer un bon moment avec d'autres personnes, me faire plaisir et décrocher un peu de mon activité.

Et le lendemain 10h, le stage commence Le temps est magnifique. Ce matin, le vent froid qui soufflait du Nord semble un peu calmé. Familière des lieux, je trouve sans difficulté la maison d'accueil, dans les Gorges de Soucy, près de Saint Jean du Gard. Premier contact, on prépare la salle. Je vais faire une promenade en attendant; c'est la première fois que je descends dans ces gorges que j'ai souvent admirées du haut de la route. Les rochers ronds, usés par les eaux, là où la rivière dégringole, pure, fraîche, sous le ciel bleu profond des Cévennes, je connais, j'aime, ils sont apaisants, puissants, vivants, vibrants de l'énergie de la Terre. Dans les trois jours que je passerai là ils joueront pour moi un rôle important. Puis le stage commence par une présentation des participants. Nous nous sommes déjà croisés dans les couloirs, certains se connaissent visiblement; j'ai reconnu Alain, que j'avais rencontré dans un stage de respiration holotropique (Stan Grof) qu'il organisait; sa présence me met à l'aise, il est sympathique, concret. Les autres me rassurent également, personne n'a l'air d'appartenir à une secte ou d'être obsédé d'un Tantra mal vécu...Je sens les filles amicales, les hommes OK, même mignons (!), tant mieux...

Un rituel de présentation:  Les présentations se font sous forme d'un rituel où chacun accompagne son nom d'un geste qui l'exprime, sur le moment; les autres participants lui renvoient ce geste en miroir à trois reprises…C'est bon de voir renvoyer par dix personnes à la fois l'énergie et la forme dont j'habille mon identité, dont je me définis maintenant; c'est comme si je me saluais moi-même et acceptais de me rencontrer. La voix et le geste : deux choses très présentes au long du stage, dans le ton juste, dans la puissance et sans excès.

Puis le stage se poursuit par une méditation guidée, où nous sommes invités à revivre un moment où nous nous sommes sentis aimés, approuvés, reconnus. Ça commence mal pour moi, je bloque et dois faire appel à des souvenirs que je recrée artificiellement sans trop y croire, je me sens sèche, sur la défensive, dans le mental. Dans le partage qui suit, cela se dédramatise, quand Alain nous décrit l'amour de sa grand-mère…

Puis nous pratiquons des exercices qui progressivement brisent la glace; sur un fond de musique, nous déambulons, nous dansons dans différents ressentis, afin de nous ancrer et nous enraciner. Croisant les autres, nous leur disons "oui" ou "non" selon le sentiment profond qui émerge en nous, acceptation ou refus. Intéressant de dire non à quelqu'un, même si ce n'est pas facile, de ne plus faire semblant, et que cela ne porte pas à conséquence. Et dire non même s'il a dit oui, au-delà de l'agressivité; et dire oui même s'il a dit non, au-delà du masochisme...Et le croiser à nouveau et voir que la réponse a changé... Honnêteté par rapport à soi-même, amour de soi-même, respect de soi-même; c'est ce que je retiens du début du stage. Ca va bien ; je vois que l'individu est complètement respecté par les autres, et par le stage lui-même, qui est graduel, qui fait monter l'énergie progressivement. Rien d'artificiel, rien de forcé, pas de déballage obligé, pas d'exhibitionnisme, pas de modèle à suivre, rien qui ne vienne de l'intérieur et qui ne soit senti.

La première journée se termine à 22h. Joël propose qu'après le repas nous reprenions par un massage; non là je craque, je suis en décalage horaire par rapport à eux, je n'en peux plus; nous avons dansé, nous nous sommes dépensés, j'ai fait tomber beaucoup de résistances, je tombe de sommeil. Après le repas je vais me coucher, je les abandonne.

Des choses rouillées en moi se remettent en marche. Le lendemain les exercices reprennent, différents, alternés; beaucoup de danses toujours, d'exercices énergiques, dynamiques, je commence à me dire que je vais perdre les trois kilos que j'ai pris dernièrement, tant mieux (en fait je n'ai rien perdu, j'ai trop bien mangé!). Et puis des méditations, des voyages intérieurs, des moments de partage, d'échange, des énergies qui montent parfois, des barrières qui tombent. Je me sens un peu sur la réserve, ma position de témoin-journaliste crée une légère distance; les techniques employées suscitent parfois des résistances chez moi, à priori; je ne suis pas tout à fait de la même école. Mais cela n'est pas franchement un obstacle, l'énergie du groupe est saine et accueillante, et au-delà des formes je peux rejoindre les participants et je communique bien avec eux. Tout se passe dans l'harmonie.

Je sens que ce qui se passe est déclencheur, éveilleur, provocateur à l'intérieur. Que des choses rouillées en moi bougent et se remettent en marche. Que certaines choses que j'évite de toucher sont ici sollicitées, gentiment et clairement. Le groupe est très porteur et permet cela en douceur. J'apprécie également Joël dans son rôle d'animateur, sachant combien ce poste est délicat à tenir.Il ne se prend pas pour un Guru, sait respecter les interventions ou interruptions individuelles, sans pour autant se laisser distraire du déroulement du stage, qu'il tient bien en main. Il intervient pour expliquer quelques points théoriques, mais sans excès; et ce que je ressens bien, c'est qu'il est à la fois guide et directeur, et participant; il est proche, au même niveau. Quand il nous a proposé un exercice et expliqué ce que nous allions faire, si cela est possible il le pratique avec nous. Bref le stage roule sans accrocs, sans heurts, je dirais prudemment mené, mais cette prudence me paraît justifiée et intelligente, vue la délicatesse du sujet et l'ignorance initiale de plusieurs participants, et notre absence de pratique.

L'énergie devient de plus en plus fine, légère, élevée. Joël agit au feeling, et introduit des exercices non prévus, non tantriques, comme son intuition le lui dicte avec beaucoup de finesse. C'est ainsi que nous vivons une expérience de Rebirth, et une expérience de guérison, toutes deux très bienvenues, qui contribuent également à nous ouvrir et à passer des seuils, individuellement et dans le groupe. A mesure que le temps passe, l'énergie devient de plus en plus bonne, de plus en plus fine, légère, élevée. Elle sent bon...Le groupe se soude progressivement, tout en restant discret. Un exercice plus spécifiquement tantrique me laisse finalement dans un état de haute qualité spirituelle, très détendue, sereine, assez proche de cet état de grâce, qui si j'ai bien compris, fait partie du but poursuivi par les techniques employées.

Je suis resté dans cet état pendant bien une semaine après le stage, consciemment et joyeusement, joie légère et libre, et j'en garde encore une bonne empreinte. Se réconcilier avec soi-même Le dernier jour est un peu un feu d'artifice, le beau temps s'est renforcé au fil du week-end, et nous en avons peu profité. Personnellement, j'ai pris quelques moments de ressourcement, autant que possible, avec les rochers, au bord de l'eau sous le soleil et dans le vent léger et amical, dans les quatre éléments tous portés à une expression de beauté parfaite et de jeune puissance. Le lundi matin, nous allons faire des exercices de respiration en plein air, puis nous prenons un temps pour nous avec la nature. C'est une explosion, celle-ci est magnifique, le lieu est magique, le printemps est miraculeux, l'énergie se déverse à flot en nous...La maison de notre hôte, bâtie au bord de l'eau, la concentre dans ses murs.

Et enfin le stage culmine l'après-midi dans une fête; et sur un dernier rituel, que j'ai beaucoup aimé, parce qu'extrêmement validant, quelque chose qu'on devrait pratiquer plus souvent, spontanément, en toutes circonstances, au lieu de vivre dans la critique, l'auto-critique et la négativité: toujours sur un fond musical, il s'agissait de rencontrer chacun des participants et après d'avoir échangé nos énergies en se saluant longuement, lui dire ce qu'on avait aimé en lui au cours de cette rencontre... Imaginez ce que ça fait, d'entendre dix personnes différentes, avec qui l'on a traversé de riches expériences, qui pèsent leurs mots, réfléchissent longuement, pour vous dire "ce que j'ai aimé en toi, c'est ceci, c'est cela...". Dix personnes qui vous donnent en cadeau d'adieu, en conclusion au stage, toute une part de leur cœur et de leur amour. Et pouvoir dire de même du fond du cœur, et ainsi le grandir et l'affirmer, le cadeau que chacun a fait par sa présence. Jeux de miroirs...Voilà qui aide beaucoup à changer l'image de soi, à la rendre positive, à se réconcilier avec soi-même et se réunifier. Complètement ancrée dans le présent.

Le stage est terminé. Bien qu'il ait été beaucoup question d'énergie sexuelle, le ton ne s'est jamais abaissé à un niveau douteux ou ambigu; l'ambiance est restée plutôt chaste et innocente, d'ailleurs. Ce qui faisait ma réticence à ce stage, la crainte de voir forcée ma bulle personnelle, et des gens ou des exercices m'obliger à une proximité, une intimité non désirées, n'a aucunement été justifié. Beaucoup de respect de chacun et de délicatesse entre tous les participants…

On me demande si je participerai à nouveau à un stage de Tantra. Je ne réponds pas. Le premier jour, je disais "jamais de moi-même je n'aurai participé à ce stage; il a fallu que ce soit pour un article". C'est vrai. Je me considérais comme ne faisant que passer, que m'informer, jouant le jeu certes mais sans m'engager, juste une parenthèse. Je venais rendre visite au Tantra, puis je rentrerais chez moi. Depuis le deuxième jour déjà je sais que ces techniques sont bonnes pour moi, qu'elles me mettent vraiment en face de moi-même sans faux-fuyants, et qu'elles peuvent beaucoup m'apporter. Je sens aussi que trois jours, c'est court, et que le même stage sur une semaine ou dix jours, ça doit être extraordinaire. On doit en sortir très décapé et élevé, si j'en juge à mon état ce dernier soir. J'ai été si bien accueillie par le Tantra que je m'y sens chez moi, à mon aise; les autres participants font partie de ma famille, les barrières sont tombées, le groupe s'est intégré. Je sui en pleine confiance, en pleine sécurité. Mais je me sens maintenant complètement ancrée dans le présent, dans l'ici et maintenant, et cet instant est un instant de clôture. Il n'y a pas de décision à prendre sur le futur. Certainement j'en referai, l'occasion saura bien se représenter. Pour le moment je veux seulement intégrer ce que je viens de vivre, en totalité...

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Maintenant laissons parler Joël, ainsi que Martine Durand, son assistante, qui est en formation Tantra.

Question : Quel est l'objectif de ces stages?

Joël : Je dirais que c'est beaucoup faire, pour arriver à ne plus faire. C'est un peu un paradoxe. En fait, pour moi, c'est retrouver un état qui est notre nature; mais nous ne sommes plus naturels. Donc les jeux, les exercices, les méditations ont pour but de nous permettre d'aller dans un état où spontanément on puisse célébrer la vie, l'amour, l'existence toute entière.

Je vois le travail du stage comme "négatif", dans le sens où il enlève les armures, les peurs, les résistances, les schémas limitatifs, pour retrouver cette communion spontanée de l'enfant qui joue, du poète qui crée, du musicien, de l'artiste, du danseur... Ce n'est pas fabriquer quelque chose d'artificiel, c'est retrouver notre nature réelle. L'être tantrique, c'est l'être naturel. Non pas naturel au sens du « bon sauvage » de Rousseau…C'est en fait le retour à l'innocence par la conscience. Il ne s'agit pas d'une spontanéité irresponsable, mais d'une spontanéité pleine de conscience.

Question : Comment cela se passe-t-il en pratique?

Joël : Pour cela on emploie diverses méthodes :

Avec le corps : la danse, le toucher, le massage, la respiration;

Au niveau émotionnel : le Rebirth, les Méditations actives d’Osho, parfois des éléments de Gestalt, pour aller retrouver, intégrer et dépasser un problème avec le père, la mère...

On travaille aussi au niveau du mental, par la communication et la pensée créatrice : prendre conscience de nos schémas mentaux négatifs, les reconnaître comme des limitations, et choisir de les changer. Je prends un exemple : "la sexualité est mauvaise, dangereuse"; il s'agit de voir que c'est un héritage négatif de la religion, des parents, de la société, et de pouvoir faire un choix différents si on le souhaite : « le sexe est quelque de profondément bon, l'énergie sexuelle est mon alliée, et je vis maintenant une sexualité libre et joyeuse". Dans certains stages on utilise d'autres techniques, en particulier la visualisation, pour rentrer en contact avec l'homme intérieur et la femme intérieure; et pour recevoir un message de leur part. Il peut être très riche d'avoir une image précise de cet homme ou femme intérieurs, et d’établir une connexion consciente avec eux.

Question : Est-ce que ce sont des techniques de visualisation créatrice dans la foulée de Shakti Gawain?

Joël : Oui, c'est très semblable. Beaucoup d'éléments peuvent être pris dans d'autres approches, et être remis dans la perspective du Tantra. Il y a aussi l'exploration du Yin et du Yang à travers la danse; la danse yin, avec des musiques très rondes, féminines; la danse yang, avec des musiques masculines, énergétiques; et la danse Ying-Yang avec des musiques qui ont les deux qualités, ce qui permet de changer très vite et de passer d'un état à un autre.

Parfois je divise la pièce en deux, par une barrière symbolique de coussins, et je mets les personnes qui sont plus dans le Yin d'un côté de la pièce, celles qui sont dans le Yang de l'autre; et au bout d’un moment elles peuvent sauter la barrière, et changer de rôle. Ce changement rapide permet d'explorer les deux polarités de façon rapprochée,et de les mettre ainsi en évidence pour mieux les reconnaitre et les intégrer.

Il y a encore d'autres techniques, afin de développer cette compréhension et cette expérience du Ying et du Yang en nous. Cela a une importance très directe dans nos relations, en nous permettant de sortir des schémas sociaux limitatifs. L'homme par exemple, dans les schémas habituels, est celui qui a les responsabilités, le pouvoir, qui gagne l'argent, qui est actif (bien que les choses changent, cela reste encore dominant); la femme est réceptive, écoute, soigne, elle est attentive, etc...

Grâce au travail sur le Yin et le Yang, nous pouvons prendre conscience de ces schémas et élargir notre gamme de réponses aux différentes situations de la vie, et en particulier dans les relations amoureuses. Ne pas rester figé mais au contraire être fluide, pouvoir répondre de plus en plus spontanément et avec conscience aux situations, et non pas d'après des programmes pré-établis.

Question : Et la sexualité, dans tout ça?!

Joël : Il n’y a pas eu de sexualité au niveau génital dans le stage; mais nous avons été souvent en contact avec l'énergie sexuelle. Il faut démystifier cette association qui a été faite par des médias, en quête de scandale plus que de vérité, entre Tantra et sexualité débridée. Ce n'est absolument pas cela.

Le Tantra accepte la sexualité comme un phénomène naturel, bénéfique, positif, et en même temps la considère comme le premier barreau de l'échelle de l'évolution intérieure, qui conduit à l'ouverture des différents centres énergétiques : le sexe, le hara, le plexus solaire, le cœur, la gorge, le troisième œil, et la couronne. A chacun de ces centres d'énergie correspond un certain niveau de conscience, un plan de la réalité; et l'on gravit peu à peu cette échelle pour atteindre la réalisation intérieure, l'éveil.

Le centre sexuel en est le premier plan; c'est sans doute pour cela que les différentes religions ont mal compris le message de leur fondateur, et sont devenues répressives par rapport au sexe. Les disciples ont vu la sexualité disparaître de la vie de leur maître, et ont dit "la sexualité est mauvaise". En fait à un certain niveau d'évolution de la conscience, la sexualité disparaît. Mais elle n'est pas réprimée, elle est transformée. La conscience est reliée au cosmos et vit dans une sorte d'orgasme permanent.

Dans le Tantra il n'y a pas de norme : ce n'est pas positif de faire l'amour et négatif de ne pas le faire, ou l'inverse. Il y a à être conscient de là où l'on est, de ses désirs réels, et puis d'oser les vivre. Car c'est en les vivant pleinement et consciemment que s'ouvre la possibilité d'une transformation.

Question : Qu'en est-il du désir de fusion amoureuse, de la quête de l'âme-sœur : la sexualité peut-elle être un moyen pour une communion spirituelle avec le partenaire?

Joël : Oui, effectivement le Tantra offre des techniques et des perspectives pour développer un véritable art amoureux; c'est l’un de ses aspects. Il adjoint au rapport sexuel une qualité méditative qui permet cette rencontre des corps, des cœurs, et des âmes; et en même temps, en fait, la rencontre ultime se passe avec soi-même. Si cela est bien compris, on évite des frustrations. Car si je me crispe dans cette recherche, cela va créer des tensions, et cette réalisation va me fuir.

Alors que si je sais que la rencontre ultime est toujours en moi-même, et que l'autre n'est qu'un miroir pour m'aider à vivre cette rencontre, je redirige mes énergies et mes attentes. Et en laissant l'autre libre d'être qui il (elle) est; je peux le (la) rencontrer en préservant notre liberté, et sans mettre une attente trop forte. Des rencontres merveilleuses peuvent se produire, mais je ne cherche pas forcément à les renouveler; je reste disponible, sans attente crispée.

Je crois qu'en fait cette recherche tellement forte que nous avons, ce désir de fusion telle que l'on disparaît, c'est la recherche de l'éveil spirituel. C'est l'endroit où l'ego s'abolit, où les limites corporelles disparaissent, où l’on se fond avec le Tout.

Question : Mais cela ne se passe-t-il pas aussi à deux, dans les échanges? Et cela ne mérite-t-il pas aussi, non pas d'être poursuivi mais vécu?

Joël : Oui, cela peut-être vécu aussi longtemps que l’on y prend plaisir, et que l’on n'a pas trouvé quelque chose qui le dépasse... Dans cette perspective et avec cette qualité, le rapport amoureux est une clé pour la découverte spirituelle : souvent, dans ces moments privilégiés, la rencontre amoureuse offre une première expérience de cet état d'union. Cela peut aussi se trouver dans le rapport avec la nature. En fait ces expériences balisent le chemin, et montrent que quelque chose de plus est possible. Elles donnent l'envie d'aller plus profond à l’intérieur, et en ce sens c'est très positif. Par contre, attendre de l'autre un total épanouissement me paraît une illusion. La pleine réalisation est toujours à l'intérieur de soi.

Cela n'empêche pas d'avoir un ou une partenaire privilégié(e), et d'avoir de l'amour pour lui ou pour elle, ou pour plusieurs personnes tout au long de sa vie ; mais il s'agit de rediriger son regard vers l'intérieur de soi. Cela change vraiment la qualité de la relation et y apporte plus d'amour, parce qu'il y a moins d'attente et plus de liberté.

Martine : Par rapport à ta question sur la sexualité, il faut quand même dire que le stage n'était qu'une initiation de trois jours, et qu'avec plus de temps on peut approcher plus directement l'énergie sexuelle. Ici il y a eu un apprivoisement.

Question : Oui, sans quoi les choses sont parfois limites. Un entraînement semble indiqué, une pratique progressive ?

Martine : Oui, la sexualité est présente, mais on prend du temps pour rentrer dans cette énergie. Dans la dynamique du groupe, il y a des temps privilégiés pour ressentir cette énergie et pour la communiquer aux autres, pour en faire quelque chose.

Joël : Dans les stages où il y a beaucoup de débutants, on met l'accent surtout au niveau du chakra du cœur, c'est la porte.

Question : Je crois que si l'accent avait été mis sur le chakra sexuel, ça aurait coincé facilement...

Joël : Le cœur et aussi le Hara : les racines dans le sol. Quand cela est installé, on peut travailler plus directement sur la sexualité dans d'autres stages, ou dans le cadre d'une formation, parce que ces bases de confiance et d'enracinement sont alors bien établies. A ce moment là on peut explorer ce qu'est la relation sexuelle, en y incluant la qualité méditative.

Et cela même sans rapport sexuel direct, avec des exercices tels que « la Vague » : les deux partenaires sont assis l'un en face de l'autre, et se connectent (sans pénétration, et en restant habillé) au niveau de leur premier chakra. Lorsque l'homme expire, il envoie l'énergie du souffle vers le sexe de sa partenaire; et la femme aspire cette énergie avec son sexe (ceci à un niveau subtil, bien sûr, mais très réel). Elle la fait monter jusqu'à son cœur; et de la elle envoie cette énergie à l'homme qui la reçoit au niveau du cœur et la fait descende à son sexe. Et ainsi de suite … Les deux partenaires peuvent établir ainsi un cercle et se régénérer l'un l'autre, en créant une énergie extrêmement tangible et intense entre eux. C'est une très belle expérience que l'on fait dans les stages plus avancés.

Je pense que le temps du Tantra arrive. Il ya eu le temps du Yoga; il y a trente ou quarante ans, le Yoga était presque inconnu, quelque chose d'étranger, d'ésotérique; maintenant il y a du Yoga partout, il est entré dans les mœurs. Je pense que quelque chose de similaire est en train de se passer pour le Tantra; nous n'en sommes qu'au début. Le temps en est venu, parce qu'il y a eu la libération sexuelle; il y a eu une ouverture, mais il n'y pas de perspective, ni de transformation de l'énergie sexuelle. Il n'y pas non plus cette unité entre la vie spirituelle et la vie sexuelle. L'énergie a été libérée, mais il n'y a pas de vision nouvelle. Je pense qu'il y a de graves problèmes qui sont dus à cela.

A mon avis une maladie comme le Sida peut venir de là : à un niveau profond dans l'esprit humain on a soulevé le couvercle de cette énergie immense, la sexualité, mais on a gardé les moules mentaux et émotionnels du passé. Il ya forcément des déséquilibres qui se créent, dont le Sida peut être l'une des expressions. Une autre expression peut en être une forme de morosité et même de désespoir. "On ne met pas de vin nouveau dan une vieille outre". Malheureusement c'est ce qui s'est passé dans ces vingt dernières années avec la sexualité. On a essayé de mettre une énergie nouvelle dans des schémas complètement dépassés.

Question : C'est pour cela que les relations sexuelles sont devenues vides?...

Joël : Oui, ce n'est pas connecté avec le plan du cœur et le plan de la spiritualité. Pour moi, un des buts et des potentiels les plus importants du Tantra, c'est cette réunification entre l'énergie sexuelle et l'ouverture du cœur, l'ouverture à l'amour, et à la vie spirituelle. L'homme est malheureux parce qu'il est divisé; le Tantra peut l'aider à se réunifier et à être plus heureux. Et qu'est-ce que le but de la vie humaine, sinon d'être heureux?!

Question : Quel est l'aspect pratique de l'initiation au Tantra, combien faut-il faire de stages...?

Joël : Le Tantra est souvent la découverte marquante d'un stage, d'une rencontre, d'un livre...Afin que cet espace merveilleux ne soit pas juste un beau souvenir, mais s'intègre à notre vie quotidienne - voire même la transforme - (alors que nous sommes immergés dans une société dont les valeurs, le modèle de vie et la "vibration" même sont généralement à l'opposé du Tantra), il est nécessaire à la plupart d'entre nous de pratiquer, encore et encore, par l'immersion dans ce lieu d'apprentissage accéléré que constitue un stage.

Je suis pour ma part extrêmement touché, chaque fois que j'anime un groupe de Tantra, par l'immense beauté de toutes ces personnes qui s'ouvrent, se découvrent, dépassent leurs peurs et leurs conditionnements, et commencent à explorer l'infini potentiel de leur monde intérieur et de leur capacité à aimer consciemment…

Je souhaite encourager ces cheminements en rendant la participation aux stages la plus aisée possible. Et en même temps, je voudrais souligner que le désir de croissance intérieure suppose de faire un choix, et de se poser des questions telles que : "Comment est-ce que je gère mon budget? Qu'est-ce qui est indispensable, et qu'est-ce qui est superflu ? Qu'est-ce que je choisis de privilégier?" Seuls, peut-être, les animateurs de groupe peuvent se rendre compte de la somme de temps, d'énergie et de travail que demandent l'organisation et la préparation d'un stage, sans compter les nombreuses années de travail sur soi intensif et de formation qui permettent de tenir ce rôle…

L'ensemble de cette réflexion m'a conduit à proposer des groupes au prix le plus abordable possible, et dans des lieux qui, tout en étant agréable et situés dans la nature, offrent un accueil convivial et bon marché. Tout ceci dans le but de faciliter le processus d'évolution aux personnes qui souhaitent s’impliquer dans cette démarche. A plus long terme, certaines personnes peuvent devenir « helpers » ou assistantes, et aider dans l'animation des stages, ou animer elles-mêmes des soirées ou des groupes d'introduction. D'autres peuvent s'impliquer dans l'organisation de conférences ou de stages dans leur ville ou leur région…

Ma vision est celle d'un "Network", d'un réseau d'amis, unis par une même ouverture de cœur et un même désir de croissance et de partage, où chacun peut apporter sa contribution unique et originale, dans un total respect de sa liberté et de son indépendance. A la fin du stage de Pâques, certains participants ont exprimé le désir que de la musique vivante soit présente dans les groupes ; ils se sont rendus compte que cela est possible, puisque l'un a des talents de chanteur, l'autre de guitariste, un autre de percussionniste, etc...

A mes yeux l'expérience du Tantra, en libérant notre potentiel énergétique, conduit à développer notre créativité dans de nombreux domaines : musiqueTableau de bord, écriture, peinture, danse,...Elle peut aussi donner l'impulsion à la création de nouvelles formes de vie sociale : centres d'accueil de stages, lieux de vie communautaires ou semi-communautaires, coopérations professionnelles, célébrations... Pourquoi ne pas créer une abondance sur tous les plans? Affective, sexuelle, relationnelle, matérielle, spirituelle...?

Aujourd'hui nous disposons d'une multitude d'outils extraordinaires, que la technique a mis à notre disposition; et aussi de la sagesse et des méthodes d'évolution intérieure qui nous viennent de nombreuses Traditions. Nous pouvons choisir, individuellement et collectivement, de vivre dans la Conscience, l'Amour, l'Extase, la Célébration…

"This very body, the Bouddha; this very Earth, the Lotus Paradise" (ce corps-même, le Bouddha; cette Terre-même, le Paradis du Lotus) a dit Osho. Pourquoi pas ?!  Cela dépend de toi, de moi, de nous...

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